Le rendez-vous était pris depuis 2 bons mois pour la première édition des Fubiz Talks, annoncé comme étant le rendez-vous de la créa­ti­vité, et c’est avec une certaine impa­tience que nous atten­dions cet événe­ment.

Jeudi 22 septembre 2016, nous étions donc à heure dite à l’Opéra Bastille pour une série de confé­rences dont nous connais­sions à peine le contenu, faute de publi­ca­tion du programme malgré la promesse du “coming soon”, déses­pé­ré­ment inchan­gée sur le site de l’event jusqu’au jour J.

À l’aveugle donc, nous avons assisté à 11 confé­rences autour de la créa­tion graphique, et le process créa­tif en géné­ral. Voici en détail ce que nous avons retenu :

Theo Gosse­lin : voya­geur et photo­graphe de l’ins­tant

Théo Gosse­lin est un photo­graphe de l’ère pre-insta­gram, il s’est mis à la photo­gra­phie dans une démarche de rencontre, son objec­tif étant au départ de rencon­trer IRL des personnes qu’il a rencon­trées virtuel­le­ment.

Il voyage dans des condi­tions extrêmes (plusieurs mois à dormir dans une voiture avec ses amis ou sa petite-amie), et capture les instants de son voyage sur pelli­cule. Il a fait le choix de travailler en argen­tique : cela lui permet de voya­ger plus léger, sans ordi­na­teur, et de mieux profi­ter de son voyage.

Ainsi, il ne découvre ses photos que lors du déve­lop­pe­ment une fois rentré en France, ce qui lui permet de prolon­ger véri­ta­ble­ment le voyage.

Elyza­beth River 3 – Théo Gosse­lin

Retrou­vez son travail sur son blog : http://theo-gosse­lin.blog­spot.fr/

X TU archi­tects veut donner vie à votre immeuble

Anouk Legendre est venue nous parler de la réflexion sur l’ar­chi­tec­ture du futur qu’elle a menée conjoin­te­ment avec Nico­las Desma­zières, après la décou­verte d’une micro algue, l’Elysia Chlo­ro­tica, le premier animal connu à être capable de photo­syn­thèse.

Cette décou­verte fut le point de départ de leur travail : ils ont ainsi imaginé des vitrages capables de capter l’éner­gie du soleil (des biofaçades), et ont conçu Xcity, un concept de ville où les infra­struc­tures urbaines cultivent et dépol­luent à la fois.

Fenêtres à chlo­ro­plastes – X TU Archi­tects

Ce projet, à mesure de colla­bo­ra­tions avec le CNRS et de prix gagnés a mûri, jusqu’à la concré­ti­sa­tion : en ce moment, le projet “in vivo” est en cours de construc­tion dans le XIIIeme arron­dis­se­ment. Leur démarche inspi­rée de La possi­bi­lité d’une ile de Michel Houel­le­becq est très ambi­tieux et tend à repen­ser la ville comme un orga­nisme vivant.

Les lettres de noblesse deTyrsa

Le graphiste Tyrsa nous a raconté son parcours, et l’évo­lu­tion de son travail sur les 15 dernières années, depuis ses débuts de graf­feur imma­ture sous le nom de satyr, jusqu’à son travail actuel avec de grandes marques comme Nike.

Depuis 15 ans, il travaille énor­mé­ment à la main, ce qui lui a permis de s’éloi­gner de l’uni­vers du graff, de rendre ses typos plus lisibles, ce n’est qu’une fois satis­fait du travail au crayon qu’il utilise illus­tra­tor pour les redes­si­ner. Pour se renou­ve­ler il privi­lé­gie les colla­bo­ra­tions, et explore les matières et les couleurs.

Colla­bo­ra­tion avec la Pâtis­se­rie Liberté – TyrsaAprès plusieurs années à s’éloi­gner du graff, il s’en approche à nouveau avec un travail à la bombe pour Nike.

Nike Provoque le destin – Tyrsa

Retrou­vez le travail de Tyrsa sur son site : www.tyrsa.fr

L’Odys­sée de Bruno Aveillan

Réali­sa­teur de la fameuse Odys­sée de Cartier, Bruno Aveillan nous a raconté les diffé­rentes étapes du tour­nage, les diffi­cul­tés à tour­ner avec une vraie panthère, impré­vi­si­ble… Selon lui, ses projets pharao­niques avec Cartier sont à part, en termes de budget et de temps.

L’Odys­sée de Cartier – Bruno Aveillan – Quad from QUAD produc­tions on Vimeo.

Il a égale­ment colla­boré avec Vuit­ton. A l’is­sue de cette colla­bo­ra­tion, une malle Vuit­ton lui a été offerte par la marque, et il a décidé de la faire voya­ger abso­lu­ment partout dans le monde avec lui, et la prendre en photo. Au total, en 3 ans, il a réalisé plus d’un million de photos de cette malle, qui sortie de son usage de luxe établit systé­ma­tique­ment le lien avec les popu­la­tions locales.

L’ex­pé­rience inédite de Dimi­tri Cham­blas

Dimi­tri Cham­blas est un danseur et choré­graphe, un de ceux qui cherchent à casser les codes du clas­sique pour réin­ven­ter la danse et la mise en espace. Il pense le corps, le contact, et s’ins­pire de Pina Bausch dans sa démarche créa­tive. Aujourd’­hui la repré­sen­ta­tion de la danse est simpliste : la balle­rine est une icône esthé­tique que l’on déplace dans la rue, la danse est réduite à la perfor­mance, la prouesse, au sport. Mais c’est pas que cela, la conscience du geste et l’écri­ture du corps c’est déjà la danse. Un même geste a diffé­rentes inter­pré­ta­tions selon le contexte, c’est l’émo­tion que l’on y met et le lieu dans lequel on se trouve qui change tout.

Il a ensuite fait prendre conscience de son corps à l’as­sem­blée à travers deux exer­cices à effec­tuer en couple : un premier exer­cice où chaque couple devait se mettre face à face et se regar­der pendant 4 minutes, et un second où chaque couple devait se faire une acco­lade et fondre vers le sol très progres­si­ve­ment pendant 4 minutes.

Kanye Loves H5

L’équipe du studio de créa­tion H5 nous a parlé de sa colla­bo­ra­tion impro­bable avec Kanye West.

Tout commence par un coup de télé­phone de Kanye West, qui n’est pas pris au sérieux par les équipes d’H5, pensant à un canu­lar. Après une relance de l’ar­tiste, une rencontre à lieu : Kany West souhaite lancer une marque de vête­ments street wear et souhaite qu’H5 travaille sur l’iden­tité visuelle de sa marque, avec pour seul brief “I wanna save the world”.

Obses­sion­nel sur ses désirs, Kany West nour­rit énor­mé­ment l’équipe d’H5 avec des réfé­rences visuelles, et très vite un langage commun se déve­loppe entre l’équipe et Kanye. Dans sa manière de créer Kanye ne cloi­sonne pas les diffé­rents posts créa­tifs, et cela permet d’avoir une vraie syner­gie. Ce bour­reau de travail semble incon­tes­ta­ble­ment être un DA hors pair.

Yeezy Boost 750 – H5 from H5 on Vimeo.

Romain Tardy, mapping et poésie

Romain Tardy nous a présenté son parcours et son travail actuel : d’abord VJ il s’est tourné vers l’art audio­vi­suel et plus spéci­fique­ment le mapping. Sa démarche a été de ne pas présen­ter ses oeuvres comme unique­ment visuelles, mais en capi­ta­li­sant sur les 5 sens, afin de faire vivre une expé­rience inédite aux personnes confron­tées à son travail. Ainsi, il a créé The Ark dans le jardin bota­nique d’Oaxaca au Mexique, rappe­lant l’im­por­tance du contexte : le préexis­tant condi­tionne la crea­tion, il a alors construit une image dans l’es­pace pour faire une expe­rience de l’image multi­sen­so­rielle : habillage sonore, odeur, tempe­ra­ture.

THE ARK from ANTIVJ is a visual label on Vimeo.

We are from LA et la note d’in­ten­tion

Les deux réali­sa­teurs de We are from LA nous ont parlé du diffi­cile travail sur la note d’in­ten­tion, afin de convaincre un déci­sion­naire à leur confier la réali­sa­tion de leur film publi­ci­taire ou de leur clip. Ils nous ont raconté leur expé­rience notam­ment sur le clip Happy de Pharell Williams, l’ur­gence avec laquelle ils ont du forma­li­ser cette note (c’est d’ailleurs monnaie commune), et la diffi­culté à illus­trer des futures images à l’aide d’images qui n’existent pas.

Selon eux, les projets ne se boni­fient pas néces­sai­re­ment avec le temps, et c’est la raison pour laquelle ils appré­cient parti­cu­liè­re­ment travailler outre-Atlan­tique, où les projets se réalisent très vite (3 semaines à peine pour le clip de « Happy »).

Dans leur démarche créa­tive, ils intègrent systé­ma­tique­ment une dimen­sion inté­rac­tive à leurs réali­sa­tions, c’est même l’élé­ment le plus impor­tant pour eux à l’image du clip de Cassius « The Missing » qu’ils ont réalisé il y a peu, une expé­rience inté­rac­tive à retrou­ver sur http://cassius­the­mis­sing.com/.

Le parcours de Mathieu César

Le jeune photo­graphe Mathieu César nous a raconté son parcours, de sa nais­sance à nos jours, et la manière dont il est devenu photo­graphe. Souvent chan­ceux, tantôt culotté, Mathieu César fait preuve d’un bagout hors norme, et nous raconte son histoire, depuis sa cara­vane en Norman­die, jusqu’au bureau de Jean-Charles de Castel­bajac dont il igno­rait qui il était. Photo­graphe tour à tour des Daft Punks, de Milla Jovo­vic et de Buzz Aldrin, Mathieu César réalise ses rêves à travers la photo­gra­phie, et met en scène sa passion pour les combi­nai­sons d’As­tro­nautes.

Daft Punk et Milla Jovo­vic – Mathieu César

Mathieu César termine sa confé­rence sur une cita­tion de Jean Cocteau très à propos « Ce qu’on te reproche, cultive-le, c’est toi ».

Retrou­vez le travail en noir et blanc et en Argen­tique de Mathieu César sur son site web : http://mathieu­ce­sar.com/

Les femmes de Malika Favre

Très jeune, Malika Favre est déjà fasci­née par le corps de la femme, et sa sexua­li­sa­tion, pour preuve, elle nousex­pose ses dessins d’ado­les­cence déjà peuplés de femmes dans des posi­tions sugges­tives ou faisant du lap dance. Lors de son passage chez R side, un studio de créa­tion très japo­ni­sant et coloré, elle conti­nue de dessi­ner des femmes, et est contac­tée par Penguin Books pour faire la couver­ture du Kama Sutra. Elle nous parle des diffé­rents allers/retours avec l’édi­teur, et nous présente la version finale :

La couver­ture du Kama Sutra – Malika Favre

Malika Favre nous a égale­ment présenté son travail d’illus­tra­trice de manière plus globale, mettant toujours la femme au centre. Retrou­vez son prot­fo­lio ici : http://mali­ka­favre.com/

Mathieu Lehan­neur et la rela­tion homme-nature

Mathieu Lehan­neur est un desi­gner qui cherche constam­ment à rappro­cher l’homme de la nature, un sujet encore trop mis de côté en matière de design. Il a ainsi travaillé sur les concepts d’abri­bus végé­taux pour la ville de Paris; et sur le mobi­lier urbain en géné­ral, de manière à le rappro­cher au maxi­mum d’une appa­rence natu­relle.

L’ob­ten­tion d’un rendu natu­rel est le fruit d’un travail indus­triel très complexe, trou­ver une machine qui imite la nature n’est pas une chose aisée, ainsi, il est parfois néces­saire d’al­ler litté­ra­le­ment mouler la nature, afin de l’imi­ter parfai­te­ment.

Un véri­table rocher a été moulé pour ce concept store Aude­mars Piguer – Mathieu Lehan­neur

Il nous a égale­ment parlé de son projet de fenêtre supplé­men­taire dans les chambres de malades en soin palia­tif : un écran qui permet aux patients d’avoir une vision sur le temps qu’il fera le lende­main dans le lieu de leur choix, litté­ra­le­ment une fenêtre sur demain pour ces malades.

On fait le bilan, calme­ment

Une jour­née riche en ensei­gne­ments, qui malgré tout manquait d’in­té­rac­tion pour les parti­ci­pants : aucune confé­rence n’a été suivie de ques­tions du public, ce qui a pu créer un senti­ment de frus­tra­tion. Au final, il y avait peu de discus­sions tech­niques, les confé­rences étaient axées sur le proces­sus créa­tif, une démarche inté­res­sante mais incom­plète pour les nombreux graphistes et DA d’agence qui avaient fait le dépla­ce­ment.

On espère que ces petits défauts seront corri­gés l’an­née prochaine, car nous y serons, à coup sûr !